Princesse Baciocchi

Pourquoi partir sur les traces de la Princesse Baciocchi ?


Sous le règne de Napoléon III a été construit le Vieux Couvent de Saint Nolff. Au même moment, s'éteignait à trois lieues d'ici une princesse corse, bienfaitrice du peuple breton. Notre mariage, lui-aussi, rassemble une princesse corse et un breton tous deux amoureux de cette terre d'Armorique.

Un personnage atypique a survolé, de 1806 à 1869 le cours des Premier et Second Empires : l'adorable petite peste Madame Napoléon des palais italiens, la conspiratrice des rives du Tibre, l'indomptable comtesse Camerata immortalisée par Edmond Rostand, la princesse Baciocchi. Ardente propagandiste du progrès dans la Bretagne tout entière, la Bonne Dame de Colpo...

Née en 1806, nièce et filleule de Napoléon Ier, cousine de Napoléon III, elle est une femme de cœur et de caractère, tout d'une pièce, trois fois corse par sa fidélité, sa sensibilité à fleur de peau et son tempérament, dotée de l'indomptable énergie de sa race...

Amazone sans casque aussi rétive qu'un pur sang, effrontée, opiniâtre, Madame Napoléon bouscule les convenances, brave les interdits, monte à cru, tire au pistolet, croise le fer, émaille son langage d'expressions peu châtiées...
Procès, complots, enlèvements, voyages, frasques et turpitudes rythment la vie endiablée de notre virago qui vient en 1848 chercher fortune aux Tuileries auprès de son cousin germain Louis-Napoléon Bonaparte. Un séjour parisien assombri par le décès brutal et empreint de mystère de son fils Napoléon Camerata, né en 1826 d'un éphémère mariage de raison.
Sous le second Empire, la Baciocchi consacre son énergie et ses dotations à promouvoir, tant en Seine-et-Marne, au Vivier, qu'au cœur de la vieille Armorique, la politique de Progrès chère à Napoléon III. En cette période la plus faste de l'essor économique de la France, elle inaugure et préside au nom de l'Empereur, crée des fermes expérimentales, vitrines des technologies nouvelles, fonde un village rural idéal, accumule les prix lors des concours agricoles et des Expositions universelles, rassemble les foules en ses Concours de Korn-er-Houët.



L'histoire commence en Corse
Félix (Felice-Pasquale) Baciocchi naquit le 18 mai 1762, à Ajaccio. Il appartenait à l'une des plus anciennes et des plus nobles familles de cette île et sera le père de notre Princesse.
Militaire sans génie particulier, Baciocchi vint cependant à bout d'une magnifique conquête : celle d'Élisa. Il n'était que simple capitaine d'infanterie en 1796, lorsqu'il demanda à Napoléon Bonaparte, la main de sa sœur. Napoléon refusa : le mariage n'en fut pas moins célébré à Marseille, le 5 mai 1797, et le général Bonaparte, accepta le fait accompli.
Felice Pasquale BACIOCCHI
En 1805, Napoléon voulut donner une couronne à sa sœur Élisa : il lui offrit la principauté souveraine de Piombino. Peu après, le « conseil des Ducs » de la petite république de Lucques demanda à Napoléon, en sa qualité de roi d'Italie, de confier le gouvernement de la république à un membre de sa famille et de le rendre héréditaire dans la descendance naturelle de celle-ci. En conséquence, Napoléon choisit le mari d'Élisa, Félix Baciocchi. Le couronnement du prince Baciocchi et de sa femme eut lieu le 12 messidor (1er juillet 1805).
Felice BACIOCCHI et Elisa BONAPARTE


Reconnaissant la haute supériorité de sa femme, Baciocchi lui laissa l'entière direction des affaires et se contenta d'un rôle qui oscillait entre ceux d'aide de camp et de prince consort.
Des trois sœurs de Napoléon, Elisa demeure la plus mystérieuse et la plus méconnue. Elle a été pourtant la plus brillante et la seule à laquelle son frère a confié de réels pouvoirs politiques.
Devenue princesse de Lucques et de Piombino, puis grande-duchesse de Toscane, elle s'emploie à moderniser les États qui lui sont dévolus. Dotée d'une infatigable énergie, elle intervient dans les domaines de l'économie, de l'urbanisme, des arts, de l'instruction, de la santé, de la médecine, et s'intéresse à l'éducation des petites filles, jusqu'ici sacrifiée.
La princesse Elisa, tout en protégeant les arts et les lettres (son salon devint un terrain neutre où les hommes marquants de tous les partis se donnaient rendez-vous : Chateaubriand et Lemercier s’y rencontraient avec Legouvé, La Harpe, Boufflers et Fontanes), imprima une nouvelle impulsion à l’agriculture en lui accordant habilement des primes, développa l’instruction populaire et fit construire des établissements utiles.
Entourée d'une cour élégante, fort attentive aux règles d'hygiène et de santé publiques, elle lance notamment la mode des bains de mer dont elle vante les vertus vivifiantes. C'est une étonnante femme d'État, préoccupée du bien-être de ses sujets et restée, encore aujourd'hui, populaire dans les territoires qu'elle a gouvernés.
Bienveillant, humain, doux, libéral, juste, aimant et protégeant les arts et les gens de lettres les plus recommandables, Félix Baciocchi laissa, en Toscane et partout où il a été connu, une mémoire honorée.
Après les événements de 1814, Baciocchi suivit la princesse Élisa à Bologne, le prince et la princesse, trompés dans les espérances que la position du roi Joachim leur avait fait concevoir, fixèrent leur résidence à Bologne, qu'ils durent quitter pour se retirer à Trieste puis en Allemagne. Établis à Villa Vicentina, la princesse y mourut, le 6 août 1820.
 


Félix et Élisa avaient eu de leur mariage une fille : Élisa Napoléone Baciocchi, née le 3 juin 1806, devenue comtesse Camerata d'Ancône.


C'est à cette jeune nièce que l'Empereur constitua, en 1808, une dotation de 150 000 francs, sur laquelle il voulut que 100 000 francs par an fussent placés en rentes sur le grand-livre de la dette publique de la France, avec clause d'immobilisation jusqu'à la majorité civile ou au mariage de la donataire. 
 Louis XVIII confisqua cette rente au profit du Trésor public.





Il y a, à Rome une fille de la princesse Elisa Baciocchi qui se promène au Pincio et à la villa Borghèse d'un air sombre ; elle porte un poignard à sa ceinture et tire quelquefois des coups de pistolet à sa femme de chambre. 
Quand madame Baciocchi quitta Lucques, la plèbe la suivait avec des cris injurieux ; la princesse mettant la tête à la portière de la voiture, disait à cette foule en la menaçant du doigt : " Je reviendrai, canailles. " Madame Baciocchi n'est point revenue, et la canaille est restée. 
Les membres d'une famille qui a produit un homme extraordinaire deviennent un peu fous par imitation : ils s'habillent comme lui, affectent ses paroles, ses manières, ses habitudes ; s'il fut guerrier, on dirait qu'ils vont conquérir le monde ; s'il fut poète, qu'ils vont faire Athalie . 
Mais il n'en est pas des grands individus comme des grandes races ; on transmet son sang, on ne transmet pas son génie.
Chateaubriand - Dépêche à M. le comte Portalis.

Le 27 novembre 1824 elle épouse le comte Filippo Camerata-Passionei di Mazzoleni, qui lui donne un fils, Charles Félix Jean-Baptiste Camerata-Passionei di Mazzoleni, né en 1826, mais le couple se sépare peu après.
En 1830, elle se rend à Vienne et cherche en vain à établir le contact avec son cousin le duc de Reischtadt (le fils de Napoléon Ier). C’est un échec car le jeune homme craint un piège et se méfie. A la mort de se dernier, elle s'installe dans le Frioul. Cet épisode sera repris par Edmond Rostand, dans sa pièce L'Aiglon.
Lors de l’accès au trône de son cousin Louis-Napoléon sous le nom de Napoléon III, elle vient s’établir en France. Elle achète d’abord le château de Viviers-les-Ruines, à Fontenay-Trésigny près de Paris.
Déprimée après la mort de son fils, elle accomplit en 1857 un voyage en Bretagne. Elle arrive ainsi à Colpo, village peuplé à l'époque de bohémiens vivant dans la misère. la princesse Elisa Baciocchi fut péniblement impressionnée à la vue de la lande de Lanvaux et des misérables huttes qui la couvraient, et elle résolut de créer un domaine sur ce sol déshérité. 
Princesse Napoleone Elisa BACIOCCHI
 De retour à Paris, elle informe son cousin l'empereur de son intention de s'établir à Colpo et d'y fonder un grand domaine agricole moderne. Quelques temps après, elle acquiert 527 hectares de terres incultes, couvertes presque toutes de landes ,sur le territoire des communes de Bignan, Grand-Champ et Saint-Jean-Brévelay, et décide de s'y établir. La cour impériale voit avec satisfaction s'exiler cette personnalité encombrante. La princesse n'hésite pas, en effet, à s'habiller d'une culotte bouffante, à parler comme un charretier et à fumer la pipe.
Durant l’été 1858, Napoléon III, l’empereur des Français visite la Bretagne avec son épouse Eugénie. Une visite triomphale qui visait à conforter le régime dans une région travaillée par les royalistes légitimistes et les républicains et à montrer l’intérêt que l’empereur porte aux Bretons, ainsi qu’à illustrer les progrès apportés par le régime : stabilité, ordre et innovations technologiques. L’empereur doit ainsi emprunter la nouvelle ligne de chemin de fer entre Rennes et Paris.
Le 3 août, Napoléon III quitte Saint-Cloud pour la Normandie. Le 9 août, le couple impérial embarque sur le navire amiral, le Bretagne, en direction de Brest où ils abordent le lendemain.
 
 Le soir, une réception et un grand bal sont donnés à Brest. Un spectacle de danses et musiques bretonnes leur est proposé. « Cinquante jeunes couples bretons, relate l’Illustration, se tenant par la main, ont fait leur entrée dans la salle et, précédés du hautbois et du traditionnel biniou, ils ont défilé devant le trône de leurs majestés en costumes. »
Le 15 août, jour de fête mariale, l’empereur et sa femme se rendent à Sainte-Anne-d’Auray pour une messe.
En se rendant ensuite vers Vannes, ils rendent visite, le 18 août 1858, à la cousine de l’empereur, la princesse Napoléon Baciocchi, installé à Colpo où elle dirige l’établissement éducatif de Cornhoët. Une inscription en breton « Deut mad er Korn er hoëd » accueille d’ailleurs Napoléon III. L’empereur et l’Impératrice Eugénie viennent visiter les lieux et sont frappés par l’efficacité de leur cousine. Du coup Napoléon III s’engage à financer près de Vannes un bourg modèle doté d’une mairie, d’une école et d’un hôpital
Celui poursuit ensuite vers Pontivy, redevenu depuis 1852, « Napoléonville », comme sous le Premier empire. Il quitte la Bretagne sous les vivats en prenant le train qui vient juste d’arriver à Rennes et dont les lignes seront ensuite prolongées vers Brest et Quimper.
Même les opposants à l’empire en conviennent, ce voyage a été un succès pour Napoléon III. Les Bretons l’ont accueilli avec enthousiasme. Même des républicains comme le folkloriste Luzel, y vont de leur panégyrique. Dans un poème en breton, ce dernier célèbre ainsi le voyage impérial, concluant par un vibrant « Gwened, kernew, Leon, Treger laret : Doué ‘viro Napoléon / Vannetais, Cornouaille, Léon, Trégor, dîtes ensemble : Dieu préserve Napoléon »… Quant aux royalistes, ils n’ont guère pu s’exprimer. Héritier du trône de France, exilé, le comte de Chambord lance aux légitimistes bretons qui lui avaient promis de perturber le voyage : « vous m’avez trompé ! »
À Colpo, avec le soutien de l'empereur, la Princesse se révèle une femme moderne et dynamique, crée les premiers comices agricoles, défriche les landes et développe de nouvelles techniques. Elle fait construire sa résidence à Korn-er-Houët : un petit mais élégant château. De son côté, Napoléon III crée de toutes pièces, à ses frais, un bourg modèle au centre de la commune, avec une église, un presbytère, une mairie, des écoles, une salle d'asile et plusieurs habitations, le long d'une grande avenue plantée de tilleuls. 
Château de Korn-er-Houët
La princesse Elisa Bacciochi est à l'origine des premiers parcs à huitres en rivière d'Auray et du boisement de la presqu'ile de Quiberon. Son rayonnement s'étend bien au-delà de sa commune. On la surnomme la bonne dame de Colpo et quand elle meurt dans son château de Korn-er-Houët, le 3 février 1869, des suites d'une chute de cheval, plus de 15 000 personnes assistent à ses obsèques.
L'église Notre-Dame est édifiée à Colpo grâce à la générosité de Napoléon III et de la princesse Bacciochi. On y trouve, placé dans une chapelle au Sud du chœur, le tombeau en granit de la princesse. La face antérieure du tombeau est ornée d'un aigle aux ailes à demi-déployées, d'une draperie surmontée de la couronne impériale, et porte pour épitaphe "Son altesse Napoléon Elisa Bacciochi, née à Lucques, le 3 juin 1806, décédée à Korn-er-Houët, Morbihan, le 3 février 1869".

Perrine SAMSON
Durant ces mêmes années, c'est à Ellizen, actuellement en Colpo, qu'est née Perrine Samson, — en religion soeur sainte Angèle — fondatrice et première supérieure générale de la congrégation des dévouées Filles de Jésus, dont la maison-mère est à Kermaria , près de Locminé. Avant de commencer la grande et belle oeuvre à laquelle Dieu la destinait, elle débuta en apprenant le catéchisme et les prières aux enfants pauvres de son quartier.

Dès 1834, plusieurs jeunes filles du pays la suivirent et jetèrent ainsi les fondements de cette très utile congrégation qui se consacre à l'éducation de la jeunesse et au soin des malades.

En 1868, à Saint Nolff, le Vieux Couvent fut construit avec les participations de artisans, des charrois bénévoles et matériaux fournis en partie par les paroissiens.

Premières soeurs du Vieux Couvent - Ph. Y. del Rey
Pour l'enseignement, « le conseil à l'unanimité a demandé une institutrice congréganiste ». Cette école sera donc dirigée par les religieuses de la congrégation des Filles de Jésus de Kermaria. Dès décembre 1868, quatre soeurs s'y installèrent.

La première supérieure y resta jusqu'à sa mort en 1898 et fut enterrée à Saint Nolff.

Jusqu'en 1948, le bâtiment fut l'école de filles du bourg. Puis elle déménagea un peu plus bas pour devenir l'école Saint Joseph.

Le domaine de Korn-er-Houët, à Colpo, est reconverti en maison de repos et de convalescence pour adultes. En face de cet établissement, l'ancienne ferme du domaine est acquise en 1981 par la Caisse mutuelle complémentaire d'action sociale d'EDF-GDF qui en fait un centre de loisirs.

Sources :
Sur la famille Baciocchi :
Extrait du dictionnaire Larousse du dix-neuvième siècle
Joseph-Marie LE MENE – 1891
Jean-Etienne PICAUT : biographie de " Madame Napoléon Princesse Baciocchi - I/ Les tribulations de l'Aiglonne (1806-1839)" – II/ « La Providence de la Bretagne (1840-1869) » - http://picaut.monsite-orange.fr/page1/index.html
Florence VIDAL, Elisa Bonaparte, 2005



Sur le voyage de Napoléon III en Bretagne :
http://ablogjeanfloch.over-blog.com/article-32955055.html
Poulain COMBION (J-M), Récit du voyage de leur majesté l’empereur et l’impératrice en Normandie et Bretagne, Paris, Amyot Éditeur, 1858.
DENIS (M), GESLIN (C), La Bretagne des Blancs et des Bleus, 1815-1880, Ouest-France université, 2003.



Sur le bourg de Colpo :

Sur le Vieux Couvent et la congrégation des Filles de Jésus :
Joseph GUYODO – Saint Nolff, à la recherche du temps passé, 2008.
Tugdual KALVEZ – Des noms de lieux à l'histoire de Saint Nolff - Ed Glad Senolf, 2004



Bienvenue à tous

Nous vous donnons rendez-vous le 18 septembre 2010 pour faire la fête dans les pas de la Princesse Napoleone Elisa Bacciochi...